Témoignages
& Critiques
Aurel Milloss et les etapes a l'Italie
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Aurel Milloss |
Le Théâtre alla Scala de Milan fut reconstruit en 1946 sur les ruines de son ancienne salle detruite au cours d’ un bombardement aérien en 1943. Sa réouverture, le 11 mai 1946, se fit avec un concert dirigé par Arturo Toscanini et sur le conseil de ce dernier, on demanda à Aurel Milloss de réorganiser la compagnie de ballet du théâtre, qui s’était dispersée dans les derniers temps de la guerre, lui offrant un contrat pour la saison de l’été suivant au Palazzo dello Sport de Milan.
Pendant la période qui va de 1946 à 1966, Aurel Milloss, résidant principalement à Rome, Italie, réalisa de nombreuses oeuvres en tant que chorégraphe à Milan, Florence et Venise, en plus de sa collaboration avec d’autres pays, comme la France, le Brésil et l’Argentine.
Par le biais de sa rencontre en 1947 avec Boris Kochno, qui venait de former les Ballets des Champs-Elysées, Milloss fit la connaissance des grands danseurs de cette compagnie, comme Yvette Chauvire, Wladimir Skouratoff et Jean Babilée.
Les etapes a l'Italie
Teatro alla Scala de Milan (1949-1950)
Au cours d’un récital donné à la Scala le 31 décembre 1949, Yvette Chauvire et Wladimir Skouratoff danserent «Suite Romantique» (Chopin-Lifar) «L’oiseau de feu» (Stravinsky-Wallmann) et «La mort du Cygne» (Chopin-Lifar).
La photo nous montre les deux danseurs pendant une répétition à la Scala:
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Chauviré et Skouratoff,
Teatro alla Scala, Milán, 1949 |
En décembre 1950 on donna dans la même salle «La Péri», musique de Paul Dukas, chorégraphie de Serge Lifar, avec Wladimir Skouratoff (Iskender) et Luciana Novaro (la Péri) et «Giselle» musique d’Adam, chorégraphie Coralli-Perrot, avec Yvette Chauvire (Giselle) et Wladimir Skouratoff (Albrecht).
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Skouratoff dans La Péri, 1946
Photo: Gordon Anthony |
Maggio musicale fiorentino (1950-1951)
Pour ses oeuvres au Festival dal Maggio Musicale Fiorentino, Aurel Milloss crée la compagnie «Balletto dal Maggio», qui comprenait Yvette Chauvire, Wladimir Skouratoff, Jean Babilée, Nathalie Philippart, Jacqueline Moreau et Jurek Shabelewski, et qui avait Tamara Toumanova, la grande étoile russe, comme artiste invitée dans certains de ses spectacles.
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Théâtre Comunale de Florence,
Siège du Festival dal Maggio Musicale Fiorentino |
A l’occasion du XIII Festival, au Teatro Comunale di Firenze, fut donné pour la première fois le 11 mai 1950, «Armida», d’après le poème épique Gerusalemme Liberata (La Jérusalem libérée) de Torcuato Tasso, sur la tragédie musicale de Jean-Baptiste Lulli, avec la chorégraphie d’Aurel Milloss, ses interprètes étant Wladimir Skouratoff (Rinaldo), Maria Dalba (Armida) et Geneviève Lespagnol, Boris Trailine et Christian Claudel.
A propos de cette oeuvre, écrite par Torcuato Tasso en 1575, et qui raconte la libération de Jérusalem du joug sarrasin par les Croisades Chrétiennes, nous voulons signaler, comme un fait singulier,qu’elle fut la source de deux créations chorégraphiques distinctes, fondées sur certains de ses personnages principaux : le 24 février 1949 fut crée au Prince Theatre de Londres «Le combat», musique de Rafaello de Banfield, chorégraphie de William Dollar, avec Wladimir Skouratoff (Tancredo) et Janine Charrat (Clorinda).
Et le 11 mai 1950, cette que nous venons de mentionner, «Armida», (Lulli-Milloss) avec Wladimir Skouratoff (Reynaldo) et Maria Dalba (Armida).
Curieusement, dans les deux cas, Skouratoff personnifiat les deux protagonistes masculins de l’oeuvre de Tasso.
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Skouratoff (Tancredo) et Madeleine Lafon (Clorinda) dans “Le combat” |
Pour le même Festival, Milloss crée la chorégraphie de «Chout» de Sergei Prokofiev, avec les costumes de Renato Guttuso, dont nous réproduisons ci-dessous les déssins.
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Dessin pour Maria Dalba (la femme) et
Wladimir Skouratoff (le bouffon) |
Teatro La Fenice de Venecia
Le 18 septembre 1950 est crée à Venise la version de Milloss pour «Il Principe di Legno» (Le prince du Bois) de Bela Bartok, dont le rôle-titre était dansé par Wladimir Skouratoff, avec également Irene Skorik, Mirza Kalnins et Jurek Shabelewski, à l’occasion du Balletti della Biennale de cette ville.
Selon les paroles de Patrizia Veroli dans son étude « Les chorégraphies d’Aurel Milloss » (Dance Chronical Journal, 1990) : «le chorégraphe combinait avec bonheur différents éléments de la danse classique avec d’autres appartenant à la danse de demi-caractère, extraits de manière évidente du folklore hongrois».
En Mai 1951, à l’occasion du XIV Festival dal Maggio Musicale Fiorentino, on présenta son ballet «Mystères», de Bela Bartok (musique pour des cordes, percussion et celesta), avec Yvette Chauvire, Nathalie Philippart, Jean Babilée, Wladimir Skouratoff et Deryck Mendel, ballet qui avait été précédemment présenté au Palais de Chaillot à Paris.
A la même occasion, Milloss créa la chorégraphie pour le troisième acte de «I vespri siciliani» de Verdi, dont le rôle du Principe d’autunno était dansé par Wladimir Skouratoff. Le reste de la distribution était constitué de Jacqueline Moreau, Violette Verdy, Deryck Mendel et Wladimir Oukhtomsky. Le rôle de la Duchesse Helène était chantée par Maria Callas.
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Détail de la représentation de «I vespri Siciliani» en Florence, mai 1951 |
Aussi pour le XIV Festival au Théâtre Comunale de Florence, Milloss présente le ballet pastoral «Tirse e Clori», musique de Claudio Monteverdi, répresenté pour la première fois depuis sa création trois siècles plus tôt à la Court des Gonzague à Mantoue, interpreté par Yvette Chauvire et Wladimir Skouratoff. Egalement selon Patrizia Veroli, «les critiques et le public apprécièrent le goût moderne du chorégraphe pour ressuciter un ballet de style pastoral du 17ème siècle,en utilisant un langage qui s’adaptait bien au tissu polyphonique de la partition... Son habilité à capter l’atmosphère poètique du XVII siècle lui a permis d’ évoquer beaucoup de la grâce douce et aerienne ainsi que de la magnificence mélancolique de ces temps riches et complexes.»
Pendant le 14ème Festival Florentin, on donna aussi les oeuvres suivantes d’Aurel Milloss : «Delicia populi», musique de Alfredo Casella, avec Wladimir Skouratoff (Pulcinella), Jacqueline Moreau (Isabella), Violette Verdy (Rosetta) et Wladimir Oukhtomsky (Arlecchino) ; et «Visione nostalgica», musique de Ferruccio Busoni (d’après son oeuvre «La valse dansée»), avec Jacqueline Moreau et Wladimir Skouratoff.
Et pendant la saison lyrique 1951-1952, en janvier 1952, dans des chorégraphies de Nives Poli, on représenta «Antiche danze ed arie», musique d’Ottorino Respighi, avec Wladimir Skouratoff, Nives Poli, Carlos Proietti et Alberto Testa, et «L’oiseau de feu», de Stravinsky, avec Jacqueline Moreau, Nives Poli et Skouratoff.
C’est à l’occasion du Festival de 1951 que Wladimir Skouratoff dansa aussi avec Yvette Chauvire «Roméo et Juliette» (Tchaikowsky-Lifar), le «Grand pas classique» (Auber-Gsovski) et «Nocturne» (Mozart-Gsovski) ; et avec Tamara Toumanova le 2ème acte du «Lac des cygnes» (Tchaikowsky-Ivanov, Petipa) et le pas de deux de «Don Quichotte» (Minkus-Petipa).
Skouratoff rapelle toujours avec une grande admiration qu’il a pu exister un tel événement chorégraphique, réunissant dans la même soirée Tamara Toumanova et Yvette Chauvire, deux des plus grandes ballerines de leur époque, lui-même ayant été le partenaire de chacune d’entre elles. Et il ne se trompe pas en affirmant qu’un tel événement ne s’est jamais reproduit dans l’histoire de la Danse.
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Skouratoff et Chauvire
dans «Roméo et Juliette»
(Photo prise par Serge Lido dans
les Jardins de Florence,
en mai 1951)
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Skouratoff nous disait encore récemment qu’il était le seul à avoir dansé «Tirse e Clori» et «Le Prince du Bois». Il rapelle aussi que, quand il arriva à La Scala de Milan pour danser, on lui démanda s’il était là pour chanter l’opéra, ce qu’il s’empressa évidemment de nier. «A La Scala on connaissait à l’époque bien peu de choses en ce qui concerne la danse», déclare-t-il.
Traduction: Amalia Contursi
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