Témoignages
& Critiques

Scaramouche au Sarah Bernhardt

Bien que nous avons mentionné auparavant le Théâtre Sarah Bernhardt à Paris (“Les Soirées de la danse”), nous avons pu obtenir très récemment un programme de la saison 1954-1955 des performances de la Compagnie du Marquis de Cuevas à ce théâtre, et qui nous a renseigné sur le ballet “Scaramouche”, cré spécialement à l’époque pour Wladimir Skouratoff.

Programme de la saison 1954-55

Le programme à une belle dédicace de M. A.-M.Julien, à l’époque le Directeur du Sarah Bernhardt, et dont nous faisons la transcription:

“Il était écrit dans je ne sais quel mystérieux livre, que nous nous retrouverions, mon cher Marquis, à ce rendez-vous d’octobre 1954, au Théâtre Sarah Bernhardt, pour y fêter un commun anniversaire.”

“Il y a dix ans, en effet, à New-York, pour la première fois votre passion pour la danse se manifestait objectivement: vous créiez votre premier ballet. Il y a dix ans je créais avec Mme. Lidova, qui s’occupe aujourd’hui avec tant d’affectueux attachement de votre ballet, et avec Claude Giraud, qui est aujourd’hui votre excellent collaborateur et qui est devenu mon ami, les Vendredis de la danse du Théâtre Sarah Bernhardt.”

“Une fois par semaine, sur ce plateau, vingt jeunes danseurs se produisaient. Pendant des années, seule une certaine danse officielle s’était manifestée; nous pensions nous, que notre devoir était de donner sa chance à la génération montante. Et c’est ainsi que se trouva rassemblé ce petit peloton qui devait devenir le multiple quadrille des vedettes d’aujourd’hui: Renée Jeanmaire, Colette Marchand, Janine Charrat, Nina Vyroubova, Nathalie Philippart, Ethery Pagava, Irène Skorik, Marina de Berg, Roland Petit, Serge Perrault, Christian Foye et quelques autres.”

“Nous étions trop pauvres pour appeler à nous un orchestre, il n’y avait qu’un piano et derrière ce piano, pour un cachet modeste qui nous paraissait énorme (le pianiste assurait à lui seul l’accompagnement de tout le programme), un des plus étonnants compositeurs de vos propres ballets d’aujourd’hui, Jean-Michel Damase.”

“Malgré le froid, le charbon était rare encore, dès huit heures le matin Boris Kochno, emmitouflé dans des chandails et des foulards de laine, réglait les lumières et bien souvent, avant que le rideau ne se levât, Christian Bérard taillait dans un tutu ou créait dans du papier un merveilleux assemblage de formes et de couleurs. Et la danse prenait possession de notre plateau.”

“En juillet 1945, nous poussâmes plus loin notre effort et ce furent quelques ballets avec la création mondiale de Rendez-vous de Prévert que dansaient Roland Petit et Marina de Berg, le Quadrille avec Renée Jeanmaire et Fenonjois, les Forains enfin dont c’était la première reprise, manifestation authentique de ce renouveau dans le ballet qui, à travers ceux des Champs-Elysées, ceux de Paris, devait s’épanouir enfin grâce à votre propre et merveilleux effort.”

“Le Théâtre Sarah Bernhardt a l’honneur d’accueillir aujourd’hui le grand Ballet du Marquis de Cuevas, il souhaite que cette scène, que cette salle lui soient accueillantes et qu’elles gagnent le faveur de le retenir pour de longues années à venir.”

 
 

Jorge de Cuevas

 

Bronislawa Nijinska

                                                     

 

Les artistes de la Cie.

 

Repertoire des ballets en 1954

Le programme rende compte, aussi, séparément, sur la performance du 9 et 10 octobre 1954, où on a dansé “Le lac des cygnes”, “Don Quichotte”,”La femme muette” et “Scaramouche” – ce dernier cré spécialement pour Wladimir Skouratoff, avec une chorégraphie de Rosella Hightower et la musique de Sibelius, avec la distribution comme suit:

 

Le résumé du sujet de “Scaramouche” tel qu’il figure au programme général de la saison, c’est comme suit: “Pour distraire sa jeune femme, le mari donne un bal...Un groupe de tziganes, conduit par le séduisant Scaramouche, vient danser pour les invités. La jeune femme est fascinée par le charme étrange de Scaramouche et lorsque les tziganes sont chassés par le mari, elle suit le séducteur. Le mari, désespéré et anxieux, est consolé par un groupe d’amis, les autres invités quittent le bal. Mais la jeune femme, repentante et brisée, revient au foyer, implorant le pardon. Hélas, Scaramouche la suit et l’attire vers l’aventure. Ayant peur de succomber à l’attrait de l’étrange tzigane, le jeune femme tue son tentateur”.

C’est évident que cette histoire n’a pas rien à voir avec le roman homonyme de Manuel de Sabatini, écrit dans 1921. Mais nous n’avons pu éviter le souvenir du duel final entre Scaramouche et le Marquis, dans une fameuse version d’un film en 1952, car ce duel avait lieu parmi les loges du théâtre où Scaramouche cachait sa vraie identité. Et, bien curieusement, à l’illustration du programme dont nous faisons mention, une très belle photo de Serge Lido nous montre à Wladimir Skouratoff aux loges du Théâtre Sarah Bernhardt. Et nous avons pensé, alors, qu’il lui faillait seul de branler une épée pour devenir donc l’aventurier imaginé par Sabatini.

Photo: Serge Lido

Traduction: Amalia Contursi